L’apprentissage de la danse au secteur loisir: une première étape essentielle du continuum de formation
Tout danseur, qu’il soit interprète, enseignant ou chorégraphe, a fait ses premiers pas dans un contexte de loisir. S’il a eu la chance de se développer professionnellement au point d’en faire son métier, il y a fort à parier qu’il a aussi eu la chance d’évoluer au sein d’une école de qualité, avec des enseignants formés qui lui ont transmis technique et passion. Malheureusement, c’est encore aujourd’hui un défi de taille d’intégrer à sa juste valeur le secteur loisir dans cette grande chaîne de formation en danse et de faire reconnaître cette étape comme indispensable pour quiconque souhaite un jour prétendre à une carrière professionnelle.
À l’occasion du 20e anniversaire du Réseau d’enseignement de la danse (RED), un organisme qui regroupe et soutient les écoles de danse du secteur loisir de la province, je trouve pertinent d’en retracer brièvement l’évolution et de souligner les enjeux de relève, de territoire, de formation et de sécurité auxquels se trouve confronté tout un pan de notre milieu.
La formation en région: un défi de taille
Le Réseau d’écoles partenaires en danse classique du Québec (REPDCQ) a été créé en décembre 1998 à l’initiative du ministère de la Culture et des Communications pour assurer le développement des écoles de danse loisir et préparatoires situées partout au Québec. Malgré la pertinence de sa mission, les bonnes intentions de départ et le travail acharné de ses représentants, force est de constater que, déjà à l’époque, c’était un mandat colossal qui ne suscitait pas la mobilisation de tous les acteurs du milieu.
En 2004, le REPDCQ est devenu le Réseau d’enseignement de la danse (RED). Il a conservé la mission d’assurer la qualité et la sécurité de l’enseignement en danse, tout en s’ouvrant aux genres contemporain et jazz et en développant un volet de formation continue. Au fil des années, le RED a su s’entourer d’experts de tous horizons pour garantir et promouvoir un enseignement sécuritaire et de qualité, prodigué dans le plaisir et le respect du corps. Parmi les grandes étapes qui ont marqué son évolution et sa structuration, notons la publication de programmes et de guides pédagogiques incluant des syllabus, des vidéos pédagogiques et de la musique d’accompagnement, conçus spécifiquement pour l’enseignement de la danse au secteur loisir en danses classique (2006), contemporaine (2008) et jazz (2009). Il s’agit là de références sur lesquelles les professeurs peuvent s’appuyer pour créer des classes adaptées au développement physique, psychologique et émotionnel de leurs élèves.
Avec le temps et le recul, nous pouvons constater que nos efforts n’ont pas été vains et que nos actions portent leurs fruits. Les services offerts par le RED permettent de maintenir un certain niveau de qualité dans l’enseignement et d’encourager une saine évolution de la pratique de la danse récréative au Québec. C’est une mission importante et exigeante que le RED entend poursuivre malgré la précarité de ses sources de financement et le manque de reconnaissance du secteur loisir. Pourquoi? Parce que le nombre croissant d’adhésions à l’organisme révèle un besoin tangible d’être accompagné et outillé, de pouvoir échanger et compter sur le soutien de tout un réseau. Aussi parce que la popularité des émissions et des compétitions de danse ont des conséquences directes sur la pratique de la discipline au secteur loisir (comme le soulignait d’ailleurs Fabienne Cabado dans un récent édito).
Plus que jamais, le RED souhaite contribuer au développement d’une relève qualifiée et formée sur le vaste territoire du Québec. Et bien que le pourcentage d’élèves qui intégreront le milieu professionnel soit très faible, les danseurs de talent qui en ont le désir méritent de recevoir la formation technique qui leur permettra d’accéder aux écoles supérieures, de rayonner sur les planches et de représenter fièrement notre culture. De même que ceux pour qui la danse restera à jamais un loisir sont en droit de recevoir un enseignement sécuritaire et de qualité.
Le transfert intergénérationnel: un enjeu majeur pour le secteur loisir
Bien que le manque de relève formée en enseignement de la danse représente un défi depuis les débuts du RED, la situation s’est complexifiée à compter de 2010 avec une première vague de départs à la retraite. Assurer le transfert des connaissances et la formation d’une relève professorale compétente est alors devenu une priorité pour beaucoup d’écoles de loisir, surtout en région où les ressources sont très limitées.
Il existe de nombreuses formations pour les interprètes et les chorégraphes, mais celles-ci approfondissent rarement les notions pédagogiques qu’on se doit de maîtriser pour enseigner à différents groupes d’âge. La passion et le talent ne font pas automatiquement d’un danseur un bon pédagogue. Des formations initiales et continues en enseignement de la danse, des activités de mentorat et un suivi régulier auprès des écoles sont indispensables pour maintenir un bon niveau qualitatif. Ce phénomène prévaut particulièrement dans les écoles situées en région, qui font face à une pénurie de main-d’œuvre et intègrent souvent au sein de leur équipe d’anciens élèves dont la seule formation est celle reçue à l’école.
De ces constats sont nés de nombreux projets structurants pour le secteur loisir, dont des trousses pédagogiques et des formations continues en tournée dans différentes régions du Québec. Des centaines d’enseignants ont ainsi appris à travailler avec ces outils dans l’optique d’offrir un enseignement sécuritaire, adapté et uniforme sur l’ensemble du territoire.
Vision d’avenir
Plusieurs autres enjeux préoccupent le secteur loisir: la pleine reconnaissance de son rôle, un financement plus équitable, l’éclatement géographique et la difficulté de former en région, en plus de la complexité de recenser les écoles de loisir au Québec.
L’enseignement des danses urbaines, de plus en plus fréquent dans les écoles de loisir, mérite aujourd’hui qu’on se penche sur un certain encadrement pour limiter le risque de blessures. Il en va de même pour l’enseignement de la danse aux jeunes enfants, souvent laissés entre les mains de professeurs inexpérimentés alors que leur stade de développement global (ossature et musculature, maturité cognitive et émotionnelle) implique des méthodes pédagogiques bien spécifiques. Nos chevaux de bataille pour les prochaines années seront donc la création d’un programme pour l’enseignement du volet éveil et créativité (3 à 7 ans) et une formation pour l’enseignement sécuritaire du hip-hop, ainsi que le développement de notre offre de formations en ligne. La tâche est ambitieuse, mais nous nous y attèlerons avec rigueur et enthousiasme, car je reste convaincue que l’ensemble du milieu de la danse doit reposer sur de solides fondations (et formations) pour pouvoir continuer à s’épanouir et à rayonner.
Le Réseau d’enseignement de la danse (RED) est un organisme culturel soutenu par le ministère de la Culture et des Communications auquel adhèrent volontairement les écoles de danse de loisir de toutes les régions du Québec qui offrent des classes en danse classique, danse contemporaine, danse jazz, éveil et créativité (3-7 ans) et en hip-hop. Les écoles qui font partie du RED endossent les valeurs et les principes du RED; autrement dit, elles ont le souci d’offrir un enseignement de qualité et sécuritaire et de transmettre leur passion pour la danse dans le plus grand plaisir et le respect.
Véronique Clément, directrice générale du Réseau d’enseignement de la danse.