Le comité Collaboration, coopération et mutualisation expose le résultat de ses travaux aux professionnels de la danse
Dans la continuité des activités de concertation du RQD visant l’élaboration d’un plan de relance pour la danse professionnelle, le comité Collaboration, coopération & mutualisation a présenté l’avancement de ses travaux à la communauté de la danse le 10 septembre 2020. Une soixantaine d’artistes et de travailleurs culturels* ont répondu présent et ont nourri les réflexions de leurs idées et commentaires.
C’est au terme de six séances de travail de deux heures que le comité Collaboration, coopération & mutualisation** a présenté publiquement ses réflexions sur les devenirs artistiques de la chaîne danse. Deux axes ont principalement été creusés: la notion de relance inclusive et la place des arts chorégraphiques dans l’espace numérique.
Assurer une relance pour tous
D’entrée de jeu, le comité du RQD s’est prononcé en faveur d’une relance inclusive, qui devra prendre en considération la diversité de genres, cultures, ethnicités, pratiques de danse, régions du Québec, langues, modèles d’affaires, etc.
L’un des premiers éléments ressortant des discussions avec les participants à la rencontre a été les difficultés d’accès à l’information. Opportunités, résidences, appels de projets… Il semble que les informations utiles à la reprise des activités circulent assez difficilement, et ce, peut-être en raison de l’abondance de l’information (autant sur la danse que sur une multitude de sujets) et du foisonnement des canaux de communication.
On prône parallèlement la nécessité de créer de nouveaux espaces et de nouveaux modes de communication. S’il n’est pas évident de choisir la forme ou la plateforme à adopter, on s’entend sur la nature de ces espaces: permettre de partager, dialoguer et s’informer. Dans l’esprit, on aimerait recréer des occasions d’échange comme si on se retrouvait à un spectacle ou dans un studio.
L’accessibilité aux studios préoccupe plusieurs participants qui craignent la fermeture permanente de certains de ces précieux espaces de travail et de création. On souligne leur importance dans l’écosystème de la danse. Les fermetures temporaires imposées par le confinement ont de fortes conséquences financières sur les studios, en plus des dépenses supplémentaires qu’imposent les mesures sanitaires lorsqu’ils ouvrent leurs portes aux professionnels. Pour contrer le problème, certains studios ont revu leur modèle d’affaire en impliquant leurs locataires dans le nettoyage des locaux en contrepartie d’une baisse des frais de location. Au-delà des enjeux financiers, on s’inquiète aussi de la réduction des plages de disponibilité des studios, considérant les nettoyages plus rigoureux et plus fréquents exigés par les mesures sanitaires.
Dans une perspective plus large, la question du statut de l’artiste et du filet social a été soulevée. Certains ont rappelé l’existence de modèles étrangers, comme le régime de l’intermittence en France. Il a par ailleurs été rappelé que les travaux du gouvernement provincial sur la révision des lois sur le statut de l’artiste, qui avançaient à bon train l’hiver dernier, ont été suspendus avec la pandémie. Le sujet du revenu de base garanti a également été abordé. Des associations comme Revenu de base Québec militent en sa faveur. Avec la Prestation canadienne d’urgence (PCU), plusieurs secteurs, dont celui des arts, ont pu percevoir les avantages d’un tel système.***
La place des arts chorégraphiques dans l’espace numérique
La question du numérique s’impose dans le contexte actuel et soulève les passions. Alors que certains le voient comme une opportunité, d’autres le voient comme une menace à l’essence même des arts vivants. Le gouvernement québécois a décidé d’investir massivement dans cette voie et, bien que cela crée de nouvelles opportunités, le milieu se questionne sur son utilité à court terme comme solution temporaire en période de confinement et se demande comment il s’imposera sur le long terme. De plus, il semble que les participants ne se sentent pas assez outillés ou ne détiennent pas assez de connaissances pour créer ou adapter des contenus aux médias numériques. Sans compter les questions légales et financières entourant la diffusion numérique, qui apparaît donc comme un enjeu majeur.
Malgré les divergences d’opinions sur le sujet, il semble se dégager certains consensus: les espaces numériques apparaissent palliatifs dans la situation actuelle, les oeuvres chorégraphiques ne peuvent être transposées directement dans l’espace numérique sans un processus de création spécifique ou une adaptation du contenu, et il faut accroître la littératie numérique des professionnels de la danse pour que ce type de création/diffusion puisse leur apparaître comme un terrain de jeu intéressant.
La maîtrise de la littératie numérique a beau ressortir comme une nécessité pour une meilleure intégration des outils numériques dans les pratiques, une forme de résistance semble en ralentir l’acquisition. Bien que le RQD ait une ressource dédiée (l’agente de développement culturel numérique) et qu’il ait déjà proposé des ateliers sur le sujet, plusieurs professionnels refusent que les artistes ou les compagnies de création aient à devenir des experts de la question numérique et défendent qu’il serait plus intéressant de travailler de pair avec des experts en la matière. On appelle cependant à continuer à démystifier le numérique, mieux définir comment l’exploiter en danse et comment le rendre profitable dans le milieu, autant financièrement qu’artistiquement.
L’idée d’une diffusion hybride, présentielle et numérique, semble aussi faire son chemin. Elle permettrait de tirer profit des aspects bénéfiques des deux types de diffusion. Cependant, elle impliquerait des coûts plus importants pour assurer la même qualité artistique dans les deux volets.
On s’interroge par ailleurs sur les enjeux légaux et financiers de la diffusion sur le Web. Comment, par exemple, y rémunérer les droits de suite? Il est impossible de simplement transposer les contrats de diffusion en salle à la sphère numérique. On constate un manque de connaissances, d’outils et de références sur la diffusion Web et la propriété intellectuelle. Les outils légaux et les références se développent, mais il n’y a pas encore de normes clairement établies. Cela suscite des inquiétudes concernant la responsabilité de divers intervenants (artistes, interprètes, producteurs, diffuseurs), la répartition des coûts et des bénéfices, le droit à l’image, etc. Bien qu’un spectacle hybride semble offrir de nouvelles opportunités, cette forme de diffusion soulève bien des questions et présente des enjeux de taille auxquels il faudra réfléchir.
Présentielle ou virtuelle, la relance des activités artistiques s’accompagne d’enjeux aussi importants que complexes. Et si cette rencontre publique a pu nourrir les travaux du comité et apporter de l’eau au moulin pour définir des pistes d’actions concrètes pour l’avenir artistique des arts chorégraphiques, force est de reconnaître que la réflexion sera à inscrire sur le long terme.
* On comptait environ 42% d’artistes individuels, 16% de diffuseurs, 20% de représentants de compagnies et 22% de non-membres.
** Le comité est composé de: Andrea Peña Albarracin, Rachel Billet, Matéo Chauchat, Francine Gagné, Alexandra ‘Spicey’ Landé, Katya Montaignac, Dorian Nuskind-Oder, Simon Renaud, Gerard Reyes, Aude Watier et Angélique Wilkie.
*** Il est à noter que, depuis cette rencontre, le gouvernement canadien a mis sur pied la Prestation canadienne de la relance économique, permettant une plus grande admissibilité que l’assurance-emploi, et qu’il prévoit continuer à travailler à la révision des prestations de sécurité sociale afin d’offrir une plus grande protection des travailleurs, notamment des travailleurs autonomes.