Les émissions de télévision favorisent-elles la démocratisation de la danse contemporaine?
Pur divertissement, démonstration de danse adaptée pour plaire à la plus large audience ou création artistique, la manière dont la danse contemporaine est présentée dans des émissions télé très populaires pose question. Pour débattre du sujet, le Festival Quartiers Danses a réuni la semaine dernière Nico Archambault, Marc Béland et Fabienne Cabado pour une table ronde animée par Angélique Willkie au département de danse de Concordia.
Le pouvoir de la télévision
La télévision rejoint sans conteste un public bien plus étendu que le spectacle vivant. Elle a le pouvoir de rendre accessibles une multitude d’informations, de connaissances et de susciter des intérêts variés. Ce medium invite la danse dans la vie quotidienne du téléspectateur avec des émissions comme So you think you can dance ou Les dieux de la danse. Mais le fait-elle de façon à ce que les retombées soient positives et engageantes pour l’auditoire? Le téléspectateur, qui n’a ni l’effort à faire d’acheter un billet de spectacle et de se déplacer ni celui de prendre le risque d’être déçu, retient-il quelque chose sur l'art de la danse à travers ces concours télévisés?
L’expérience du spectateur
Pour lancer le débat, les panélistes se sont attelés à définir ce qu’est la danse contemporaine. Plurielle et mêlant parfois plusieurs styles, il n’est pas aisé d’aboutir à une définition claire, même chez les professionnels de la danse. La distinction entre la danse contemporaine de recherche et de création et celle présentée dans les émissions télé semblait faire consensus autour de la table.
Pour les artistes et les fervents passionnés de spectacles de danse, un spectacle vivant auquel on assiste en personne a davantage d'impact sur l’émotion ressentie. La sensibilité y est palpable, tandis que l’écran a tendance à annihiler l'effet kinesthésique de la danse. Dans ces émissions, la virtuosité, la compétition et le vedettariat priment sur l’expérience sensible du spectateur.
Nico Archambault et Marc Béland ont tous deux participé à l'émission Les Dieux de la Danse, le premier comme juge, le second comme danseur dans une chorégraphie de Roger Sinha. Tous deux affirment que ce que montrent ces émissions est un cliché de la danse contemporaine. Un cliché assumé. Car le but recherché n’est pas de prendre la danse au sérieux, au contraire! L’humour est convoqué.
Témoignant de son expérience de juge, Nico Archambault a souligné les contraintes et les défis qu'implique, pour un créateur et danseur professionnel, de se plier aux lois de l’audimat. Les codes et le succès du programme reposent sur des critères propres au domaine télévisé et non à la valeur artistique de la création.
La télé, un vecteur à mieux exploiter pour démocratiser la danse contemporaine?
En complément des numéros présentés dans ces émissions de pur divertissement, ne pourrait-on pas proposer davantage de contenu instructif sur la danse? Montrer ce qu’est la création, le travail de chorégraphe, etc. Nico Archambault tente, à travers ses commentaires de juge, de donner un maximum d’informations sur les techniques de danse utilisées. Il souhaite aiguiller les jeunes qui veulent apprendre à danser tout en familiarisant leurs parents à cet art. Mais la transmission d’informations doit se conformer au standard télévisuel et ne pas trop déroger aux règles du divertissement.
La télé offre parfois de très bons documentaires sur la danse. Une émission comme Ils dansent proposait par exemple un certain équilibre entre divertissement et documentaire. De même que les émissions largement plus populaires citées plus haut, Ils dansent a donné envie à nombre de garçons de se mettre à la danse.
Pourquoi les émissions télé consacrées à la danse ne mêleraient-elles pas plus souvent les deux approches? Une étudiante de Concordia assistant à la rencontre racontait qu’en Chine, une émission très populaire a réussi à générer un savoureux mélange entre divertissement et meilleure connaissance de la danse. À partir d’une opposition entre des pionniers de la danse et des danseurs de rue, elle a attisé la curiosité du public, qui, en votant pour ses danseurs favoris sur Internet, pouvait en apprendre plus sur leurs parcours ou sur le style de danse pratiquée. Une inspiration à suivre au Québec?