Vent de changement à L’Artère
En plus de souffler ses 15 bougies et de renouveler son identité visuelle, L’Artère accueille un nouveau coordinateur général. Une belle occasion pour le Regroupement québécois de la danse de questionner sa cofondatrice, directrice générale et artistique Arielle Warnke St-Pierre. Elle porte un regard sur 15 années de déploiement au service de la communauté de la danse à Québec et partage aussi ses souhaits pour l’avenir de l’organisme qui entame une nouvelle page avec l’entrée en poste de François Lapointe.
Tu as fondé L’Artère avec huit collaboratrices il y a maintenant 15 ans. Alors qu’elle est en pleine adolescence, tu la sens désormais prête à voler de ses propres ailes?
Oui définitivement! Le développement de L’Artère a foisonné ces 15 dernières années et la charge de travail est devenue beaucoup trop grande pour que je puisse continuer à bien l’assumer. Ma pratique en art de la danse est rendue incompatible avec ce chapeau-là qui doit être porté par quelqu’un qui peut assurer une constance et une présence au bureau pour encadrer l’équipe.
Bien que le financement de l’organisme reste extrêmement précaire, on a mieux structuré l’organigramme pour mettre à profit les compétences de chacun et que L’Artère puisse se déployer à son plein potentiel. On a pensé un organigramme circulaire avec un coordinateur au centre qui va s’assurer de l’avancement des travaux de comités gravitant autour de lui. Le comité des activités sera toujours assuré par des artistes de la communauté, qui iront chercher d’autres expertises au besoin.
Il y a une mouvance qu’on essaie de garder vivante et cette structure circulaire permet ça; la pratique a tellement changé ces 15 dernières années! Je me rappelle, au début, le besoin était plus orienté sur des classes techniques pour être en forme, pour maitriser notre outil, pour rentrer dans l’écriture du chorégraphe avec qui on allait travailler. Depuis, l’interprète est devenu beaucoup plus générateur de mouvement.
Avant notre nom était L’Artère, développement et perfectionnement en danse contemporaine. Depuis quelques années c’est devenu L’Artère, art de la danse et du mouvement. Un grand changement d’orientation!
Justement, est-ce que l’entrée en poste d’un nouveau gestionnaire induit des nouveautés pour L’Artère?
L’esprit va s’ancrer encore plus. Je le vois comme ça, après seul le futur nous le dira!
On a toujours été beaucoup impliqués auprès des finissants de l’École de danse de Québec et L’Artère est devenue cette année gestionnaire du programme Première Ovation – Danse, une subvention qui soutient la relève artistique à Québec. C’est une belle reconnaissance. Il nous faut accentuer les efforts autour de cette relève et mieux nous ouvrir à la diversité des pratiques.
Tout en gardant notre spécialisation de nourrir les artistes professionnels en art du mouvement, on est en train de créer des rendez-vous avec le grand public en lui offrant l’expérience de la danse autrement qu’en étant spectateur: l’expérience de la danse dans le corps.
Qu’est-ce que l’organisme a apporté en 15 ans à la communauté de Québec?
Il a permis la rétention d’artistes sur le territoire. C’est en partie pour ça qu’on l’a fondé. Au départ c’était une coopérative, on était neuf membres: toutes à la fois sur le CA, gestionnaires et utilisatrices des services! On a créé un organisme pour répondre à nos besoins.
L’Artère a ainsi permis à la communauté de se développer, de perdurer. Une synergie s’est créée par des collaborations et un maillage avec des organismes homologues et d’autres institutions artistiques sur le territoire. L’Artère répond à un besoin de décloisonnement fort. On est beaucoup dans la rencontre avec d’autres disciplines aussi: on a offert une formation pour travailler l’argile par exemple, on organise des ateliers conjoints avec l’École de cirque de Québec, etc. On souhaite que la vision de notre pratique de l’art du mouvement circule dans les institutions autour de nous pour qu’on puisse grandir à la fois parallèlement, mais aussi ensemble et en cohésion.
L’Artère est à l’écoute et grandit en fonction de l’évolution du milieu et de la pratique. Je dirais pour terminer qu’elle a apporté l’ouverture à l’autre, l’ouverture sur le monde.
L’Artère est un organisme fondé et chapeauté par des femmes. La personne qui rentre en poste est un homme. Est-ce que cela va changer quelque chose?
Je pense que ça va faire du bien qu’un homme se joigne à nous! Il fait preuve d’une grande bienveillance, de rigueur et d’écoute. Il a une belle façon de travailler, dans un esprit de collaboration. C’est d’ailleurs important pour nous de ne pas parler de «direction générale», on le voit plus comme le capitaine d’un bateau sur lequel les pouvoirs sont répartis. Il est là pour s’assurer de l’avancement des comités, que tout le monde ait les outils pour faire avancer la vision, la mission de L’Artère. Et il va travailler en collaboration avec les artistes qui feront les choix artistiques.
Certaines personnes qui sont dans l’organisme depuis le début, comme Ariane Voineau, continueront à porter la vision et la connaissance profonde de l’organisme.
Qui est donc ce nouveau capitaine?
François Lapointe est un archiviste, présentement au gouvernement à temps plein de jour et travailleur culturel bénévole le soir depuis 15 ans. Il a fait de la direction de production pour plusieurs projets artistiques. Pas en danse, mais on trouve ça justement très intéressant. Sa grande connaissance des organismes d’autres disciplines rencontre notre désir de métissage et d’hybridation.
En plus de ses grandes compétences de gestion, François va apporter un regard nouveau, des méthodes et des outils indispensables, tout en gardant la mission centrée sur l’art du mouvement et une attention portée aux liens à créer, partout. Je suis sûre qu’il va aider à renforcer cet objectif!
Il y aura sûrement de belles erreurs sur lesquelles rebondir et qui fleuriront vers autre chose. J’ai vraiment confiance.
Que souhaites-tu à L’Artère pour son quinzième anniversaire et cette entrée dans une nouvelle phase?
Je souhaite qu’elle puisse s’ancrer, se stabiliser. D’un point de vue factuel en ayant un financement au fonctionnement pour sortir de la précarité, se développer à son plein potentiel et servir au mieux la pratique de l’art du mouvement à Québec. Elle a tant à offrir!
Mon grand souhait est qu’elle continue d’affirmer son autonomie et sa singularité tout en travaillant avec le Groupe Danse Partout, pour maintenir un équilibre des pouvoirs.
J’aimerais aussi renforcer le dialogue et les échanges entre Québec et Montréal, rallier les professionnels isolés en région et éventuellement rejoindre les réseaux de loisirs, les nourrir, partager des outils. En somme, continuer de décloisonner!