Conversation sur les enjeux des danses urbaines
Quelle place pour la danse urbaine dans le système institutionnalisé de formation, de subvention et de diffusion de la danse de création? Comment favoriser son inclusion sans trahir la nature alternative de ce genre de danse qui côtoie plus la rue que la scène? Danseurs urbains, chorégraphes, travailleurs culturels et agents des conseils des arts en ont discuté en mars dernier lors d’une Luncherie organisée par Diagramme gestion culturelle.
Une communauté sans frontières
Faisant partie intégrante d’une communauté soudée et inclusive constituée davantage d’artistes indépendants que de compagnies, les artistes des danses urbaines développent leurs expertises, créent collectivement, échangent avec leurs pairs à l’international, participent à des battles et apprennent de mentors aux quatre coins de la planète.
La relation avec les mentors semble jouer un rôle essentiel dans la transmission des danses urbaines. Loin des parcours de formation institutionnels, les danseurs n’hésitent pas à partir à la rencontre d’un artiste dont ils souhaitent apprendre; ils sont autonomes dans leur formation, qu’ils forgent au gré des rencontres, des battles et de leur pratique, à la faveur d’une riche palette de parcours et de styles individuels.
De la rue à la scène
À Montréal, plusieurs structures permettent aux danseurs de rue de se déployer et de développer leur pratique, de la création à la diffusion. Mais quand vient l’envie de joindre un nouveau réseau de diffusion, d’essayer d’obtenir un financement ou une reconnaissance publics, les danseurs de rue ne se sentent pas aussi outillés que leurs confrères sortis de formations plus académiques.
Un diffuseur de demander: comment accueillir sur scène des danses nées dans la rue et dans les clubs? Est-ce la volonté des danseurs urbains? La question fait débat au sein même de la communauté. Si les artistes des danses urbaines ont développé un public de fidèles et leur propre réseau de diffusion, reste que certains d’entre eux aimeraient se produire sur des scènes plus conventionnelles. On observe d’ailleurs l’apparition de plus en plus fréquente des danses urbaines sur les scènes montréalaises.
Un soutien financier à repenser?
Comment les conseils des arts envisagent-ils de soutenir ces artistes dont les modes de formation et les codes de représentation sortent des sentiers battus?
Les représentants des conseils des arts ont profité de la Luncherie pour rappeler que plusieurs artistes des danses urbaines reçoivent déjà des subventions pour des projets de recherche et création, de perfectionnement et de déplacement, mais aussi pour des projets de production, incluant des battles; ils sont également régulièrement invités à siéger sur des jurys et des comités d’évaluation.
Les artistes présents ont été encouragés à déposer des demandes de financement. Mais si les programmes de subventions ne permettaient pas de les soutenir adéquatement, faudrait-il repenser le système d’évaluation à la lumière des besoins du milieu des danses urbaines? Une artiste a posé la question.
Reste à voir si les danses urbaines trouveront leur pleine place dans les modèles institutionnels actuels ou s’il sera nécessaire d’imaginer de nouveaux cadres et critères, comme, par exemple, la possibilité de déposer une demande de subvention à l’oral plutôt qu’à l’écrit.
Répertorier/documenter pour exister
Des échanges fructueux ont porté sur la nécessité pour les artistes de documenter les pratiques des danses urbaines, non seulement pour faciliter l’évaluation des jurys des conseils des arts, mais aussi pour assurer la pérennité des savoirs, la transmission des styles de danse et de leur histoire.
Les danses urbaines sont ici confrontées au même défi que tout art du mouvement ou de l’oralité: elles se vivent et se créent au présent.
Une chose est sûre, le dialogue avec les institutions est maintenant ouvert.